Bonnes fêtes !
Festival des Ferrières

Ne rien faire, c’est laisser faire…

Avant tout, meilleurs voeux à toutes et à tous pour 2010.

Ensuite, bonne lecture et bonne réflexion...

S’engager pour servir, est-ce toujours d’actualité ?  Les personnes désireuses d’animer la société civile sont de plus en plus rares, semble t’il. Crise de l’individualisme ? Refus des responsabilités ? Peut-être manque d’innovation simplement pour accompagner la nouvelle donne sociale, économique et politique.

Chacun doit se poser un jour ou l’autre le problème de l’engagement personnel. La liberté se mérite ; dans une société de libertés, on ne peut être simple spectateur, il faut être acteur, pionnier et entrepreneur.

Les pires catastrophes pour l’humanité se sont produites au XX ème siècle dans un climat d’indifférence, d’ignorance paresseuse et de démission. Ceux qui savaient et pouvaient réagir ont choisi de ne rien faire.

Ne rien faire, c’est laisser faire, le neutralisme qui n’est qu’absence de conviction et le scepticisme qui n’est que démission devant les défis, étaient de mise à l’époque et les choses n’ont guère changé depuis lors.

On peut alors s’étonner devant les difficultés à trouver des hommes et des femmes disposées à prendre des responsabilités durables.

Sans doute le potentiel de générosité, d’altruisme et de services des êtres humains est-il toujours visible.

Contrairement à ce que disait Hobbes, l’homme n’est pas un loup pour l’homme et c’est tant mieux. Les élans de solidarité constatés à l’occasion de grandes catastrophes naturelles comme le tsunami ou de grands rendez vous humanitaires comme le téléthon, ou de campagnes mondiales contre les handicaps, et notamment la cécité, attestent de la volonté de se dévouer été de soulager les misères physiques et morales, et de rendre à l’homme affaibli ou exclu toute sa dignité. Mais on peut aussi remarquer que ces gestes de service, pour être spontanés et méritoires, sont ponctuels et que les mêmes personnes prêtes à « donner un coup de main » occasionnellement acceptent plus difficilement de s’affilier à quelque œuvre, club ou association impliquant un engagement et des obligations sur une  plus longue période. La désaffection des citoyens se marquent par des taux d’abstention croissants, tandis que décroit le crédit accordé aux partis et aux syndicats

Y aurait-il une crise de l’engagement, un syndrome du papillon ?

Dans le débat, il a été souligné que le rythme de la vie familiale a été modifié par l’entrée croissante de la femme dans la vie active, une évolution saluée comme un grand progrès à bien des égards. Hommes et femmes sont de moins en moins disponibles pour leur vie de couple et pour leurs enfants. Il faut donc compenser et en particulier renoncer à affronter des soirées et à fortiori des journées entières à des actions de services.

Sans doute le vieillissement de la population vient-il tempérer ce décalage : les retraités ont en théorie « tout leur temps ». Mais d’une part, il n’est pas souhaitable de se reposer uniquement sur les ainés pour animer la vie de la cité qui devrait être l’affaire de tous, d’autre part les seniors sont très occupés : tantôt ils meublent une partie du temps familial dont leurs petits enfants ont été privés, tantôt ils consacrent un temps croissant aux loisirs, allant des jeux au tourisme.

Les loisirs, voilà aussi des concurrents dangereux qui occupent un temps croissant, non seulement des seniors mais aussi des jeunes ménages. C‘est bien souvent dans les week-ends de loisirs ou les semaines de vacances que la vie familiale se reconstitue. Mais se reconstitue aussi une convivialité : les amitiés se nouent et se cultivent entre personnes qui pratiquent les  mêmes loisirs. Mais, de la sorte, les agendas se remplissent progressivement, et la disponibilité se réduit. On remarquera aussi que les loisirs portent à l’insouciance et au plaisir immédiat. Carpe diem.

Le Carpe diem est aussi l’exutoire de la tension professionnelle. Dans un contexte économique de concurrence élargie, l’innovation, la vigilance, l’effort absorbent une énergie considérable. Chez les jeunes, elles requièrent aussi un temps précieux : pas de disponibilité à la fin de journées de travail déjà très lourdes, pas de possibilités de s’aligner sur l’agenda des retraités. Dans ces conditions, on conçoit la réticence non seulement à donner beaucoup de son temps, mais aussi à prendre des responsabilités qui se surajoutent à celles que la vie économique impose.

Les problèmes évoqués jusqu’ici dans le débat concernent apparemment la gestion du temps, et l’arbitrage que les personnes doivent faire entre leur famille, leurs loisirs, leur travail et un nouvel engagement. Mais certains évoquent aussi « le repli sur soi. Tocqueville était très pessimiste pour l’avenir de la société civile parce qu’il estimait que la diffusion du progrès économique et de la connaissance aboutirait bientôt à donner aux individus le sentiment qu’ils savaient et qu’ils pouvaient tout, de sorte qu’ils en oubliaient progressivement les autres, et que leur seul propre point de vue les intéressait. A l’époque actuelle, on dénonce aussi la technique et l’éducation. La technique permet aux individus de s’isoler, y compris au sein de leur famille : le mari est devant son ordinateur, les enfants devant le téléviseur, la mère discute au téléphone (est-ce caricatural ?). Quant à l’éducation, elle n’insiste pas beaucoup sur le civisme ni sur la morale. Les mouvements de jeunesse n’ont pas beaucoup résisté à la civilisation des loisirs et aux mystères des calendriers scolaires. « La bande » n’est pas une école de solidarité, mais de mimétisme et de grégarisation.

Ces tendances au repli sur soi et à l’individualisme trouvent aussi leur aliment et leur alibi dans l’existence de l’Etat Providence. Au fond, est-il utile de s’engager pour les services qui sont aujourd’hui garantis par les administrations publiques ? S’il y a des pauvres, des malades, des handicapés, c’est à l’Etat de s’en occuper ; on paye assez d’impôts et de charges sociales pour cela. Ceux-là même qui ont encore la volonté de servir leur prochain voient leurs moyens financiers fondre sous les assauts de la redistribution forcée. Les gens de l’Etat prétendent au monopole du cœur, ils vivent de sa substance la solidarité privée et spontanée, et lui substituent une solidarité publique obligatoire qui finalement a créé « les nouveaux pauvres ».

Tous ces obstacles à l’engagement en vue du service sont en fait autant de raisons qui paradoxalement devraient ou pourraient conduire des hommes et des femmes à prendre des responsabilités durables. Laisser la solidarité entre les mains du seul pouvoir politique est le chemin le plus court vers la paupérisation et la servitude ; voulez vous perdre votre liberté et sombrer dans le collectivisme ? Face aux lacunes et aux faillites de cette providence administrative, voulez vous abandonner les laissés pour compte ?

Vous courrez derrière le temps, mais prenez vous le temps de vous arrêter et de vous donner quelque recul pour distinguer l’essentiel de l’accessoire, pour vous interroger sur le futur de votre famille, de votre profession, de votre environnement ? Le nez dans le guidon, mais pour aller où, Où en est votre projet de vie personnelle ? Vous le savez, pour épanouir votre personnalité, vous avez besoin d’une relation aux autres, d’une découverte des autres, les trouvez vous actuellement ?

Dans ce débat, je reste cependant optimiste parce que je crois que l’esprit de service est dans tous les cœurs et tous les esprits. Le problème est d’éviter les pièges, ou de  leur trouver une parade. La gestion du temps, cela s’organise ; il faut décaler les agendas, assouplir les calendriers. La concurrence de la famille été des loisirs, on peut la neutraliser en associant la famille à l’engagement, en la faisant participer au service, et en installant une convivialité de qualité, fondée sur le partage de valeurs communes et le respect des individualités. Quant au développement de l’esprit de service, il implique une éducation de la jeunesse, à laquelle on doit offrir les repères moraux indispensables à l’épanouissement personnel et à l’harmonie de la communauté.

Ces innovations auront d’autant plus de chances de succès que l’environnement institutionnel sera changé. Il joue aujourd’hui dans le sens de l’irresponsabilité, du nihilisme. Il dresse des obstacles de plus en plus infranchissables à l’initiative personnelle. Les deux systèmes de la protection sociale et de l’enseignement laminent les individualités, préparent à l’incurie et à la grégarisation. Mais les institutions ne sont que les fruits de l’action humaine. L’expérience révèle les erreurs, mais nous incite aussi à de nouveaux essais.

S’engager, c’est essayer, essayer encore. Ne jamais subir mais agir. Il est sans doute bien temps. Il est aussi grand besoin de pionniers, capables de montrer le chemin à une société qui basculerait sans cela dans le désespoir, la peur et la violence.

Vous aussi, menez un débat sur le sujet, trouvez d’autres motifs d’espérer et d’agir. Au roi d’Aragon, qui venait d’être vaincu par les Maures, sa mère s’adressa en ces termes : « Pourquoi pleures-tu comme une femme sur ce royaume que tu n’as pas su défendre comme un homme » ?

Ce que nous défendons, ce n’est pas un royaume, mais une société de libertés fondée sur la solidarité volontaire, le service mutuel et la responsabilité.

Commentaires

Flux Vous pouvez suivre cette conversation en vous abonnant au flux des commentaires de cette note.

Vérifiez votre commentaire

Aperçu de votre commentaire

Ceci est un essai. Votre commentaire n'a pas encore été déposé.

En cours...
Votre commentaire n'a pas été déposé. Type d'erreur:
Votre commentaire a été enregistré. Les commentaires sont modérés et ils n'apparaîtront pas tant que l'auteur ne les aura pas approuvés. Poster un autre commentaire

Le code de confirmation que vous avez saisi ne correspond pas. Merci de recommencer.

Pour poster votre commentaire l'étape finale consiste à saisir exactement les lettres et chiffres que vous voyez sur l'image ci-dessous. Ceci permet de lutter contre les spams automatisés.

Difficile à lire? Voir un autre code.

En cours...

Poster un commentaire

Les commentaires sont modérés. Ils n'apparaitront pas tant que l'auteur ne les aura pas approuvés.

Vos informations

(Le nom est obligatoire. L'adresse email ne sera pas affichée avec le commentaire.)