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Ce matin, mon fils de 8 ans m’a fait une crise et a menacé d’appeler le 119 car je refuse qu’il aille à l’école en jupe et avec du vernis aux ongles.
Ma fille Julie de 15 ans, qui se sent « non binaire », m’a traité de « boomer » car j’ai refusé de l’appeler « iel » en parlant d’elle et parce que je refuse de changer son prénom à l’état civil. Elle veut s’appeler « Jul » pour ne pas qu’on puisse supposer de son genre. Et aussi parce que Jul est son chanteur à succès préféré.
Je pars au boulot à vélo car depuis la loi Hidalgo de 2026, la voiture (même électrique) est interdite dans toutes les grandes agglomérations de France. Je parcours donc 35 km tous les jours à vélo. Avec la chaleur de ce mois de juillet, j’arrive au boulot trempé et décoiffé. Mais ce n’est pas grave, c’est le cas de tout le monde, ici : personne ne se regarde et personne ne se juge car c’est maintenant passible d’une amende et, éventuellement, d’une peine de prison selon la gravité de la remarque.
Mon patron me fait savoir qu’il m’a mis un blâme car j’ai osé écrire un mail sans écriture inclusive hier et qu’une cliente s’en était plainte. La prochaine fois, c’est la porte, il faut que je fasse attention à ce que j’écris et à comment je l’écris. Et aussi à ce que je dis…
Ma nouvelle collègue, qui partage mon bureau, n’est pas là aujourd’hui car c’est sa semaine de « congé menstruel ». C’est un congé mis en place depuis 2023 afin de « permettre aux personnes possédant un vagin » (sans distinction de genre, pour éviter d’éventuelles stigmatisations) de rester à la maison pour le motif de règles douloureuses, une semaine par mois.
Par son absence, je peux donc exceptionnellement fermer la porte de mon bureau. En effet, après le mouvement #MeToo, la France a imposé l’interdiction de « portes closes » lorsque des employés de genres différents travaillent ensemble. Certaines entreprises créent même des « espaces safe », c’est-à-dire des bureaux sans aucun homme hétérosexuel pour éviter tout risque d’agression sexuelle.
À midi, pour la pause déjeuner, je n’apporte plus de viande dans mes plats car j’en avais marre de me faire régulièrement traiter de « carniste », « spéciste » ou carrément d’arriéré par mes autres collègues, pour la majorité, devenus végans.
Par ailleurs, lorsque je fais les courses au supermarché et que j’ose m’acheter un rare morceau de poulet à 45 euros le kilo, je me fais systématiquement dévisager par les autres clients emplis de dégoût.
Le soir, tout en grignotant mon bol d’insectes accompagnés de pousses de soja (bien plus éco-responsable que mon bifteck d’antan), je peux enfin me distraire devant un film Netflix.
C’est l’histoire de Napoléon, joué ici par Omar Sy, et Joséphine, sa femme, jouée par une actrice mexicaine dont le nom m’échappe. La parité dans ce film est parfaitement respectée et on apprend, par ailleurs, que Napoléon était bisexuel, afro-américain et musulman. Le film a obtenu 12 Oscars, battant ainsi le précédent record de 11 statuettes remportées par Titanic, un film désuet qui racontait l’histoire grotesque d’un couple blanc hétérosexuel privilégié qui voyageait dans un paquebot de luxe au début du XXe siècle.
Le film terminé, je décide de me glisser dans mon lit pour continuer ma lecture du moment : La Gloire de parent n° 1.
Pour les plus anciens comme moi, ce livre s’appelait autrefois La Gloire de mon père et faisait partie de la série « Souvenirs d’enfance », de Marcel Pagnol.
Je vais, d’ailleurs, bientôt attaquer Le Château de parent n° 2, qui est la suite du premier. J’ai hâte"
Texte : Al Poisson / Damien Dam Chaltin